« L’objet de vos voeux n’est-il pas de vous rapprocher autant que possible l’un de l’autre, au point de ne vous quitter ni nuit ni jour ? Si c’est là ce que vous désirez, je vais vous fondre et vous souder ensemble, de sorte que de deux vous ne fassiez plus qu’un, que jusqu’à la fin de vos jours vous meniez une vie commune, comme si vous n’étiez qu’un, et qu’après votre mort, là-bas, chez Hadès, vous ne soyez pas deux, mais un seul, étant morts d’une commune mort. Voyez si c’est là ce que vous désirez, et si en l’obtenant vous serez satisfaits. »
Le Banquet – Platon
Que pensez-vous de l’amour ?
Je suis le genre de nana qui n’a aucune nouvelle des hommes que j’ai aimé. Non pas qu’ils me manquent, mais le mot cordialement n’existe pas à la fin de mes emails de rupture. L’amour c’est comme l’échelle de Richter pour moi, les magnitudes dégringolent au fil des rencontres. Le côté positif, les secousses et les séismes après la séparation sont beaucoup moins violents. Il faut toujours voir le bon côté des choses. Hahaha. Cessons les mauvaises blagues de mauvais augures, il n’y a rien de très drôle ni de fascinant dans tout ça. Les pilotes de ligne visent sans cesse les cœurs d’artichaut comme moi, car la beauté de l’amour est un voyage de courbes, de retour en arrière, de descente et de monté qu’il faut savoir contrôler.
Pourquoi on tombe amoureux ?
Très drôle comme question. C’est pas une jeune fille de 28 ans qui a la réponse. Et je doute que les femmes de 82 ans en sachent davantage. Il n’y a rien de mathématique dans tout ça. Quoique. C’est plus une question de psychisme qu’une récitation d’une table de multiplication. Voilà. Tout d’abord on sait tous que la marguerite se compose de plusieurs degrés et qu’il existe plusieurs formes d’amour. Jusque-là tout le monde me suit ? Tu aimes un degré d’amour tes parents que tu n’aimeras pas tes amis, ton amoureux de la même façon. Le pétale se conjugue avec la marguerite, qui dans un sens est ton cœur. Chaque pétale possède son propre sentiment avec des degrés différents. Une Marguerite ne pousse pas de partout et chaque environnement aura en sorte son lot de pluies pour la faire naître, grandir et mourir. L’environnement joue un rôle prédominant sur qui on décide de cueillir et de nous cueillir. On décide de qui on tombe amoureux, ça ne nous tombe pas dessus, comme les légendes aiment à le croire.
Selon vous on connaît notre amour ?
Quand on tombe amoureux on ne tombe pas dans un trou. On décide de tomber dans ce trou. C’est horrible de tomber dans un trou, mais si on peut en choisir un où la déco est sympa on s’y précipite volontiers. Le ciel ne nous tombe pas dessus, c’est pareil pour l’amour. Nous décidons de tomber à genoux. On décide de s’aveugler dans ce trou. On est totalement influencé par le destin de l’autre. Qu’est-ce je peux gagner avec cette personne si je décide de la suivre ? Chercher l’amour, c’est comme chercher un appartement. Un appartement où on s’y sent bien et surtout bien situé. L’amour doit nous donner une situation et un confort de vie. Tout se vaut, tout est sans cesse évaluée. On se dirige vers notre capitole. Un capitole de bien-être et de réalisation de soi-même. On se réalise à travers l’autre. Il n’y a pas de libre arbitre dans l’amour, c’est ton milieu social qui influence et détermine la personne que tu décideras de choisir à tes côtés. Merci Bourdieu. Le milieu social détermine tes goûts même en matière d’amour. Ça peut être beau et moche à la fois.
Mais on aime toujours les mêmes personnes ?
On n’aime pas les mêmes personnes, on remplit notre identité. Nos amoureux ne sont pas des photocopies. C’est un lundi et un jeudi qui forme une semaine. Notre semaine. Ça serait réducteur de se résumer à une feuille, on préfère les chapitres qui construisent les livres. Nos histoires d’amour contemporaines ne sont pas écrites par Brontë. C’est notre éducation qui influence nos choix. C’est un fait ! Les couleurs primaires se mélangent dès la maternelle. On est tous dirigé par un capital social, économique ou culturel. Consciemment ou inconsciemment. L’amour s’est s’élever socialement. Il y a pas de miracle amoureux ! On peut interroger nos goûts bien sûr mais la ligne directrice est toujours présente. On sait ce qu’on veut au fil du temps. Ce qui est bon pour nous. On goûte à toutes les saveurs des glaces pour comprendre qu’on aime seulement le citron. Le choix de notre partenaire est un signe distinctif. On accorde plus de crédit pour telle ou telle personne. Il faut maintenir un rang ou s’accroître dans la société. Il y a un fort dénigrement dans l’amour car on ne tombe pas amoureux de n’importe qui. Oui, le capitalisme pourrit les relations amoureuses. Il n’y a que les enfants qui sont purs. Les adultes sont des reproductions sociales.
L’amour passionnel est une raison ignorée ?
L’amour passionnel c’est un peu le rebelle de la classe. L’amour en pleine crise d’adolescence. Qui veut s’affranchir de toutes les règles. Il est beau à lire, à voir et à entendre. Sauf quand on se réveille sur un lit d’hôpital et qu’on apprend s’être fait poignarder par Éros. Au final Nabilla et Thomas finissent par se marier. Verlaine n’a pas eu cette chance avec Rimbaud. Je vous rassure tous les amours passionnels ne finissent pas en drame, regardez Roméo et Juliette la fin est tout de même tragique. Ils meurent tous les deux sans avoir connu Philia. Ce que je veux dire par là, c’est que je n’aime pas trop la passion amoureuse. L’horloge n’a plus sa place dans notre salon. Les secondes deviennent des minutes et les minutes des heures en son absence. Nos réactions sont excessives et obsessionnelles. Prêt à abandonner notre vie d’humaine pour devenir un vampire, parfois. C’est risible ! Je préfère encore dormir tous les soirs avec Agapè pour l’éternité.
Que vous a appris votre premier amour ?
Je dirais que les papillons dans le ventre existent réellement et qu’il faut prendre le temps de comprendre l’impact d’un véritable je t’aime. Un premier amour sonne pour la première fois à la porte de notre cœur. On ouvre cette porte et on fait rentrer ce premier invité. Cet invité façonne les murs de notre maison. Il gribouille sur les murs des pièces, il allume la cheminée, explose des murs et les autres finiront la déco. Quelquefois il revient pour se cacher dans une pièce.
Il aurait plus de grand amour au 21ème siècle ?
C’est une question bien sérieuse, qui quand je la lis me frappe par sa brutalité. Je dirais que les gens sont libres à présent. Ils peuvent choisir. À la différence d’avant. Après je ne pense pas qu’ils sont moins amoureux qu’avant. Je pense qu’on trouve plus facilement le grand amour quand on est une personne stable. Une planche se doit d’être stable si on veut entreposer correctement des livres, des fleurs et un bébé. La stabilité d’une personne est une grande qualité que recherche l’amour. Les personnes instables peuvent trouver leur grand amour, mais cela sera plus compliqué. Un environnement sain apporte généralement et j’en suis la première désolée un grand amour. C’est plus facile de tomber dans un trou que de creuser un trou de ses propres mains. Faire du jardinage et faire pousser la vie n’est pas donné à tout le monde. Oui, c’est plus facile d’aimer une personne quand tout lui sourit. C’est pourquoi c’est difficile de rester quand les choses se compliquent, mais les complications amènent généralement la question de si réellement nous sommes avec la bonne personne et si cette dernière possède vraiment le rôle de notre vie : Le grand A.
C’est quoi l’amour ?
C’est une question simple. Pour moi elle est. L’amour c’est une personne (symbolique) qui vieillit avec nous. Une personne qu’on connaît, avec qui on a vécu. Un sentiment imprévisible et difficile à comprendre, comme nous. L’amour est éternel, mais il change de forme, comme nous. Capricieux en amour, en amitié mais totalement compréhensible face aux liens du sang. Lorsqu’on décide de quitter l’amour, le champ est totalement déboussolé, ça fait atrocement mal à l’Amour. Alors, L’amour décide de se retirer et pars rejoindre son ami la Souffrance. Il téléphone à l’Oubli et ça l’apaise. Puis l’Amour décide de partir en vacances avec le Deuil. Il s’en va boire des verres, mais l’Oublie ne cesse de lui envoyer des sms dans sa tête. L’Amour devient cette personne au fil du temps. Personne. Nous reprenons le cours de notre vie. Les sentiments s’atténuent. L’amour ne disparait pas, il devient ce fantôme avec nous. Comme un camarade invisible. Présent et à jamais absent, voilà son paradoxe. Il sera à tout jamais présent avec nous, car on oublie jamais quelqu’un qu’on a aimé, on apprend à vivre sans.
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L’auteure
Tout ceci est une image. Mais par contre, si je peux vous donner un conseil :
Il ne faut jamais sauver l’Amour !
Très joliment écrit, comme chaque article! Celui-ci est, je pense, mon préféré !